
Dimanche 8 mai A.D. 2016
Sermon de M. l'aumônier du prochain pèlerinage
(le style oral a été conservé)
Début juin aura lieu au Puy-en-Velay un pèlerinage dont
j’aurai l’honneur d’être l’aumônier. Quel en sera le thème ?
Rien d’autre que ce qui a animé Jehanne, notre héroïne nationale, tout au long
de sa magnifique épopée, qui nous laisse, à six cents ans de distance, toujours
pantois d’admiration.
Chaque
fois que le Vendredi Saint tombe un 25 mars, mêlant en un même jour la
Rédemption et l’Annonciation, est organisé un Jubilé – ou Grand Pardon – en la
cité du Puy.
En
1429, le douzième jubilé du Puy fut un véritable pèlerinage national où
s’amorça la délivrance de la France, épuisée et exsangue par l’interminable
Guerre de Cent ans.
A
l’Annonciation de 1420, le dauphin Charles y avait confié à Notre-Dame du Puy
la situation désespérée de la France, juste avant la vente du royaume aux
Anglais par l’abominable Traité de Paris, signé par sa traîtresse de mère,
Isabeau de Bavière. Devenu roi, Charles VII reviendra à l’église angélique en
1422, en 1424, en 1425 (malgré des routes et un paysage peu commodes, vous
l’avouerez) afin que Notre-Dame mette fin à « la grande pitié du royaume de France ». Considérons bien qu’il
s’agit du Lourdes de toute l’histoire de France jusqu’au XIXe siècle, même si l’on a du mal à l’imaginer aujourd’hui !
Le jubilé de 1429 fut un véritable pèlerinage
national : la France entière mit toute son espérance en le secours de
Notre-Dame. Tant de confiance allait être récompensé. Une intervention
miraculeuse se produisit : Jeanne apparut et la France fut miraculeusement
sauvée.
Jeanne
d’Arc voulut elle-même mettre son entreprise sous la protection de Notre-Dame
du Puy. Elle concevait ce jubilé comme le point de départ de la rédemption de
la France. Dans l’esprit de l’héroïne, c’était au moment où la prière de la
France entière retentirait sous les voûtes du sanctuaire du Mont Anis que la
sainte Vierge manifesterait son intervention miraculeuse en faveur du pays
occupé. La conviction de sainte Jeanne d’Arc était si forte que, ne pouvant se
rendre au Puy, retenue à Poitiers, elle se fit représenter au jubilé par sa
mère, Isabelle Romée, par ses frères Jean et Pierre et par plusieurs chevaliers
de son escorte de Vaucouleurs à Chinon. Jeanne d’Arc pria donc au Puy par le
truchement de sa famille et de son entourage.
Le
jubilé s’acheva le 3 avril 1429. Le 29 du même mois, Jeanne entrait dans
Orléans et la délivrait totalement le 8 mai suivant, anniversaire que l’on
commémore aujourd’hui. Vous remarquerez d’ailleurs qu’il s’agit de la grande
fête de l’apparition de saint Michel au Mont Gargan, saint Michel qui donna à
Jehanne toute sa formation et fut toujours le premier de son fameux Conseil. Sachez
en faire un grand jour de fête en famille !
Le
17 juillet de la même année, dans l’octave de la dédicace de Notre-Dame du Puy,
Charles VII était enfin sacré à Reims et couronné roi de France, puisque Dieu
ne voulait pas en France d’un roi qui ne respectât pas l’ordre légitime de
succession selon les Lois fondamentales du Royaume, qui en sont sa véritable
constitution. Charles n’était pas ingrat : il voulut manifester sa
reconnaissance en venant cinq ans plus tard (en 1434), pour la 4e fois, notez bien (surtout ceux qui ne font pas beaucoup de pèlerinages !),
remercier solennellement la Vierge qui avait daigné bénir sa couronne et sauver
la France.
Que
nous apprend Jeanne ? Que sa mission n’est pas une rêverie pour enfants ou
nostalgiques : Aide-toi, le Ciel
t’aidera, lançait-elle à l’envi.
Jeanne
est une leçon pour nous tous, pour chaque génération : mais bien
évidemment, elle n’est plus étudiée à l’école d’État ; le cinéma en fait
une folle, le clergé n’ose en parler, tant elle le désarçonne dans sa
médiocrité et le contredit dans ses discours idéalistes, naturalistes et
conciliants avec l’esprit du monde, du siècle – que saint Pie X appelle « le souffle de la Révolution ».
Jeanne balayait en effet tout cela : pure à tout niveau : d’âme, de
corps, d’esprit, elle incarnait cinq siècles à l’avance la devise du comte de
Chambord : « Ma personne n’est
rien, mon principe est tout ».
Animée
d’une intense vie intérieure, en conversation avec les Saints, Jeanne ne
cantonne pas sa foi dans la sphère privée mais va par elle-même, avec une
merveilleuse audace, et sûre de servir Dieu, Lui redonner Sa royauté sociale,
Le faire à nouveau régner en la personne de son lieutenant légitime. Bonhomme
qui n’a toutefois rien pour plaire :
-il
est timoré, moqué et affublé du titre de « petit roi de
Bourges » ;
-sa
mère jure sur les évangiles qu’il est bâtard ;
-son
physique ne plaide pas pour lui - les
peintures le confirment ;
-son
esprit n’est pas droit comme celui de la Pucelle : à l’encontre des
exhortations de celle-ci, il négociera avec les Bourguignons ; de même, il
s’entoure mal : de corrompus et de libéraux (voire les deux), en un
mot : d’opportunistes ;
-bien
que marial, il n’est pas un digne fils de l’Église romaine puisqu’il fera
naître en juillet 1438 le gallicanisme, avec la Pragmatique Sanction de
Bourges, qui ne sera vraiment atténuée et accordée avec le pape que par le
concordat de Bologne, dont c’est cette année le 5e centenaire, et
qui sera en vigueur jusqu’à la Révolution.
Mais Charles est, par primogéniture
mâle, l’héritier de la Couronne de France, et Dieu veut qu’il en soit ainsi. Et
ce que Mgr de Ségur disait d’Henri V s’applique également à Charles VII comme à
son actuel héritier, je cite : « Quand
nous disons qu’[il] est de « droit
divin » le Roi de France, nous voulons dire que, d’après la loi de Dieu et
d’après les plus vénérables traditions de la France, le droit de ce Prince à la
couronne repose sur des titres légitimes, inattaquables, et sur une prescription
huit fois séculaire ; qu’il est le dépositaire de l’autorité souveraine de
Dieu, Lequel est le Maître suprême du peuple français comme de tous les peuples
; qu’il est ainsi le Roi légitime à qui la France doit obéir, si elle veut
faire la volonté de Dieu, si elle ne veut point se révolter contre le droit de
Dieu ». Fin de citation.
Pour
nous le rappeler, Dieu envoya à nos ancêtres une jeune fille – morte je vous le
rappelle à 19 ans – pour manifester le caractère entièrement surnaturel et
divin de cette mission. Dieu est fidèle à Ses lois, de même qu’Il S’est incarné
Lui-même non pas dans une famille lambda, pardonnez l'expression, mais dans la famille royale de Juda, en Israël : Sa venue était ainsi non
seulement repérable par les prophéties, mais remarquable par sa situation de Fils de David que même Ses ennemis ne
remettront jamais en doute, bien que moquant le métier de charpentier de son
père nourricier : la famille royale était devenue objet de mépris lors de
l’Incarnation, tandis que régnait l’usurpateur Hérode.
Par sa fidélité aux règles instituées
par Dieu, Jeanne va remettre la société française dans l’ordre : en
repoussant l’ennemi, et en permettant la réorganisation intérieure. Car toute
son œuvre est en parfaite harmonie avec la doctrine de l’Église, à laquelle
saint Michel lui-même l’a formée. « La
réforme de la civilisation est effet, enseigne saint Pie X, une œuvre religieuse au premier chef, car pas de
vraie civilisation sans civilisation morale, et pas de vraie civilisation
morale sans la vraie religion : c'est une vérité démontrée, c'est un fait
d'histoire ».
A
nos évêques, il y a à peine cent ans (106 ans exactement), le même pontife –
qui je vous le rappelle béatifia Jeanne d’Arc en 1909, et ce n’est pas pour
rien – disait, ironisant sur ce que les ennemis de l’intérieur répandaient sur
les vrais défenseurs de la doctrine sociale de l’Église (comme
aujourd’hui, « rien de nouveau sous le soleil » : « qui a des oreilles pour entendre, qu’il
entende ») : pour eux, « vous
êtes le passé, eux sont les pionniers de la civilisation future. Vous
représentez la hiérarchie, les inégalités sociales, l'autorité et l'obéissance :
institutions vieillies, auxquelles leurs âmes, éprises d'un autre idéal, ne
peuvent plus se plier. […] Nous ne
pouvons, malgré notre longanimité, Nous défendre d'un juste sentiment
d'indignation. Eh quoi! on inspire à votre jeunesse catholique la défiance
envers l'Église, leur mère ; on leur apprend que depuis dix-neuf siècles, elle
n'a pas encore réussi dans le monde à constituer la société sur ses vraies
bases ; qu'elle n'a pas compris les notions sociales de l'autorité, de la
liberté, de l'égalité, de la fraternité et de la dignité humaine ; que les grands évêques et les grands
monarques, qui ont créé et si glorieusement gouverné la France, n'ont pas su
donner à leur peuple ni la vraie justice, ni le vrai bonheur, parce qu'ils
n'avaient pas l'idéal du Sillon! », c’est-à-dire de la démocratie
chrétienne et de toutes les formes de compromission avec le monde, qui vont, je
reprends ses termes : « au
rebours de la doctrine catholique, vers un idéal condamné » :
c’est-à-dire tant la Séparation de l’Église et de l’État, que les attaques
contre la libre éducation des enfants par leurs parents, le divorce, la
contraception, l’avortement, et j’en passe, sinon je n’ai pas fini…
Et
je ne peux m’empêcher de le citer encore, recommandant solennellement, tel
nos récents pontifes : « Nous
désirons vivement que vous preniez une part active à l'organisation de la
société […]. Toutefois, […] ne
vous laissez pas égarer, dans le dédale
des opinions contemporaines, par le mirage d'une fausse démocratie ; n’empruntez pas à la rhétorique des pires ennemis de
l'Église et du peuple un langage emphatique plein de promesses aussi sonores
qu'irréalisables. Soyez persuadés que
la question sociale et la science sociale ne sont pas nées d'hier ; que, de
tous temps, l'Église et l'État, heureusement concertés, ont suscité dans ce but
des organisations fécondes ; que l'Église, qui n'a jamais trahi le bonheur du
peuple par des alliances compromettantes, n'a pas à se dégager du passé et qu'il lui suffit de reprendre, avec le
concours des vrais ouvriers de la restauration sociale, les organismes brisés
par la Révolution et de les adapter, dans le même esprit chrétien qui les a
inspirés, au nouveau milieu créé par l'évolution matérielle de la société
contemporaine : car les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires ni
novateurs, mais traditionalistes ».
Voici
mes Frères le Magistère de l’Église, écrit noir sur blanc dans les Actes de
Rome et consultables sur le site internet du Vatican, si certains en doutaient
encore.
La fidélité à la droite
doctrine (philosophique, théologique, spirituelle, sociale, etc.) n’est pas une
illusion, une chimère, un rêve irréalisable : elle est la condition de la
vraie réussite de votre participation à la construction sociale et politique. A
l’instar de tous « les grands
évêques et les grands monarques, qui ont créé et si glorieusement gouverné la France »,
Jeanne en est la preuve ; fidèle, elle a appliqué les bons principes, et
relevé non seulement la Couronne mais toute la France avec elle ; sa
mission de patronne en second de notre Patrie se poursuit : elle qui fait
l’admiration même de nos ennemis, ne peut que nous entraîner à penser comme
notre Mère la Sainte Église et à parler comme elle, avec le même accent, même
si les sociologues à deux sous, naturalistes évidemment, positivistes sûrement,
taxeront cet accent de « propre à
une époque, trop dépendant de l’ère constantinienne » : en vous
laissant former, « mouler » par votre Sainte Mère, changez ainsi
résolument cette société pour qu’elle ne respire plus que l’esprit du saint
évangile, et que Jésus soit restauré à Sa vraie place : la première.
C’était la devise de Jehanne, ce sera aussi la nôtre : Messire Dieu premier servi ! Ainsi
soit-il.

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